Ca fait longtemps que je n'ai pas refait un article sur le harcèlement scolaire... Aujourd'hui, je vais vous parler de ceux dont on parle rarement: les anciens harcelés qui n'arrivent pas à surmonter ce traumatisme.

C'est vrai qu'on parle toujours de ceux qui s'en sortent, comme Christophe Lemaitre, Chimène Badi... Mais n'est-ce pas un effet pervers? On essaie de montrer qu'on peut s'en sortir, mais à trop vouloir le montrer, on minimise la violence du harcèlement -> "Si il s'en est sorti, c'est que c'était pas trop grave!".

Que dire alors de Pauline, Mattéo ou Noélanie? Que c'étaient des "faibles"? Je ne crois pas.

On est considéré comme "fort", si on s'en sort, mais si ce n'est pas le cas, on est vu comme "faible". "Faibles" d'être traumatisé pour "si peu" alors que certains ont vécu des humiliations pire que les nôtres. Oui mais voilà, on oublie un point essentiel: le côté psychologique.

Certains arriveront mieux à surmonter le harcèlement, parce qu'ils sont soutenus, se sentent aimés, parce qu'ils ont été éduqué à être fort face à ses menaces... Mais d'autres, dont certains pas moins bien lotis que les premiers, ne s'en sortent pas. Ils passent une grande partie de l'après-harcèlement à ressasser le passé, à se demander encore, inutilement, si c'était leur faute, si ils pouvaient ignorer les moqueries.

Il m'arrive encore de pleurer en pensant à ces humiliations, ces rires à propos de ma voix grave, ce crachat sur mon sac en Terminale... Mais surtout il y a la peur que ça recommence, alors on guette le moindre sourire en coin, le moindre regard suspect, la moindre messe basse... pour savoir si on se moque de nous. Un groupe de fille, cette année, m'a regardé un peu trop longtemps, et une des filles a pointé son doigt dans ma direction en faisant une messe basse... je me suis sentie me liquéfier, j'avais envie de sauter du bus, sous les roues d'une voiture, pour ne pas revivre ce que j'ai vécu pendant des années.

Quand on ne réussit pas à être en paix avec ce passé de harcèlement scolaire, on vit dans la peur: d'être moquée, jugée, abandonnée... La blessure reste indélébile. Voilà pourquoi, les conséquences du harcèlement scolaire sont souvent le suicide, la dépression... On ne supporte pas de se souvenir de ces moments, et de toutes ces petites choses qui auraient pu l'arrêter: un prof, un CPE, les parents qui écoutent et agissent... au moins pour dire que les moqueurs ont tord en expliquant qu'on n'est pas si "nulle", "moche", méprisable qu'ils essaient de nous faire croire. De marcher dans sa ville natale, et de se dire: c'est là où une fille m'a insultée, là aussi... De passer dans le lycée et de se dire: c'est dans ce couloir qu'on s'est moqué de ma voix, c'est dans celui-ci où l'on m'a traitée de "boloss", c'est dans cette rue qu'on m'a crachée dessus...

Certains se suicident car ils ne supportent plus ces images du passé, parce qu'on leur répète, même après, qu'ils ont été faibles de ne pas réagir, de ne pas avoir su "ignorer" les moqueurs. Non, nous ne sommes pas faibles, nous, pour qui le harcèlement scolaire nous a abonné aux séances de psy, aux anti-dépresseurs... Nous, pour qui le harcèlement scolaire est un traumatisme. Nous ne sommes pas faibles, car un traumatisme, on le subit, on n'y peut rien, ça ne s'anticipe pas... On peut juste le soigner, patiemment.

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